• CONTRE REFORME CATHOLIQUE : LA FRANCE RATTRAPE SON RETARD GRACE AU GENIE DE SAINT VINCENT DE PAUL (XVIIe siècle) (supplément 10A)

    1-Contrairement à ce que l'on peut penser, la France n'est pas le pays le plus rapide à s'engager dans la "réforme tridentine" (que l'on appelle aussi la "contre-réforme catholique").
    Non, la "Fille aînée de l'Eglise" prend même beaucoup de retard par rapport aux autres nations.
    Deux raisons expliquent cela :
    a)-De 1515 à 1547, le roi François 1er (qui, depuis la signature du concordat de Bologne en 1516, a le droit de nommer les évêques) met à la tête des évêchés de très mauvais pasteurs.
    La réforme est donc considérablement ralentie en amont.
    b)-De 1562 à 1598, les guerres de religion - auxquelles se mêlent de terribles luttes politiques entre de grandes familles nobles - ensanglantent les villes et les campagnes françaises.
    Cette situation bloque elle aussi pas mal de choses.
    Les affrontements entre les catholiques (dirigés au début par le duc François de Guise) et les protestants (dirigés par le prince de Condé), atteignent un sommet lors du massacre de la Saint Barthélémy (1572) qui fait plus de 3000 morts.
    Dix-sept ans plus tard, Henri IV, qui est protestant, accède au trône de France. Cela, nous l'imaginons bien, n’éteint pas les passions. Toutefois, son abjuration, en 1593, permet de pacifier le pays et de signer l'édit de Nantes qui accorde aux protestants la liberté de culte ainsi que l'égalité civile avec les catholiques (1598).
        
    2-Malgré ces deux "freins intérieurs" importants, certaines choses positives font que tout n'est pas à l'arrêt, sur le plan religieux, et que la réforme tridentine parvient à se mettre peu à peu en place (même si c'est avec du retard).
    a)-Au niveau des laïcs : il y a des groupes de rencontres très influents, comme par exemple celui de madame Acarie (1566-1618).
    Cette dame de la grande bourgeoisie, qui est l'épouse d'un membre du Parlement, tient un salon religieux, à Paris, où viennent régulièrement des évêques, des prêtres, des laïcs... et cela permet la diffusion d'idées réformatrices.
    A la mort de son mari, elle entre même au Carmel et prend le nom de Marie de l'Incarnation.
    b)-Au niveau du clergé régulier : des ordres réformés ou nouvellement créés sont introduits en France, comme les Carmélites d'Espagne ou les Jésuites (en partie grâce à l'intervention de madame Acarie, d'ailleurs).
    c)-Au niveau des ministres ordonnés : il y a de grands personnages qui font que la nuit n'est pas totale.
    Le Cardinal Pierre de Bérulle (1575-1629) fonde la Congrégation de l'Oratoire pour que les prêtres fassent rayonner la pensée chrétienne par l'étude, l'enseignement et la prédication; Mgr François de Salle (1567-1622) écrit de très beaux ouvrages de spiritualité et deviendra le patron des écrivains et de la presse catholique; Saint Jean Eudes (1601-1680) répand le culte du Sacré Coeur de Jésus et de Marie et fonde une congrégation pour former les prêtres; Saint Vincent de Paul (1581-1660) est un personnage tout à fait central de cette période.
    Si vous le voulez bien, consacrons lui un paragraphe.
        
    3-Le génie de Saint Vincent de Paul (que ses contemporains appellent volontiers monsieur Vincent) est qu'il agit sur tous les points de blocage qui paralysent l'Eglise :
    a)-LES ROIS : le pape Paul V (très impressionné par le fait qu'il ait ramené un musulman à la foi chrétienne, en Tunisie) le nomme auprès d'Henri IV. Dès lors, son influence ne cesse de grandir à la cour.
    Grâce à lui, le roi Louis XIII (1610-1643) se réconcilie avec Anne d'Autriche (qu'il avait épousé en 1615), et, le 11 février 1638, la France est consacrée à la Vierge.
    Par ailleurs, Anne d'Autriche (qui devient régente du royaume de 1643 à 1661 car Louis XIV n'a que 5 ans à la mort de son père) le prend comme directeur de conscience.
    A son contact, elle devient moins frivole et plus sensible aux détresses du monde. Elle donne même ses bijoux pour aider les pauvres.
    b)-LES EVEQUES : monsieur Vincent est nommé secrétaire du Conseil de Conscience (l'instance qui s'occupe alors des affaires religieuses) par Anne d'Autriche.
    Grâce à cette fonction - et en dépit du fait que le Cardinal Mazarin le jalouse - il arrive à faire nommer d'excellents évêques, ce qui facilite beaucoup la mise en place des orientations du Concile de Trente.
    c)-LES PRETRES : l'impact de Vincent de Paul est là aussi énorme.
    -Il trouve la formule des séminaires.
    Les choses commencent très lentement, par de petites retraites de 15 jours pour les candidats au sacerdoce. Puis, petit à petit, le système se perfectionne et l'on atteint des durées de formation beaucoup plus longues.
    Le résultat est si probant qu'à la fin du XVIIe siècle, tous les diocèses de France ont un séminaire.
    -Il met aussi au point la formation permanente des prêtres (ce qui est très important). Chaque mardi, en effet, il réunit un groupe de prière, d'étude et d'amitié à la maison St Lazare.
    -Il crée également la Congrégation de la Mission (1625) dont le but est d'évangéliser les campagnes et d'assister spirituellement les forçats.
    Cette congrégation compte 450 prêtres en 1660, et ceux-ci prennent le nom de Lazaristes.
    -A noter que monsieur Vincent perfectionne aussi les missions paroissiales en les prolongeant d'un mois (les missionnaires ne s'en vont pas avant d'avoir confessé tout un village !).
    d)-LES ORDRES RELIGIEUX : son idée la plus lumineuse est sans aucun doute de faire appel aux femmes.
    Il est vrai qu'il existait déjà les Ursulines de Ste Angèle Merici (depuis 1535), mais leur statut canonique était encore flou. Avec l'ordre des "Filles de la Charité" (qu'il crée en 1633), les femmes font une entrée beaucoup plus "officielle" dans le monde religieux "non-cloîtré", et ceci en liant la vie de soeur à celle d'infirmière, d'éducatrice, d'enseignante, de missionnaire...
    L'un des gros avantages des Filles de la Charité est qu'elles permettent à l'Eglise de renforcer considérablement son "personnel ecclésial".
    e)-LES PAUVRES : enfin, Vincent de Paul oeuvre beaucoup pour aider les plus défavorisés. Il faut dire qu'après les guerres de religion, le XVIIe siècle (qui est pourtant celui de la monarchie absolue) connaît un temps de révolte des seigneurs contre le pouvoir royal : c'est ce que l'on appelle la Fronde (de 1648 à 1652).
    Cette rébellion - qui est due à l'impopularité d'Anne d'Autriche et de son ministre Mazarin, à l'interminable guerre de 30 ans, aux difficultés économiques de la France... - met à nouveau le pays à feu et à sang.
    Avec l'aide des "Dames de la Charité" (qui n'est pas un ordre religieux, comme les "Filles de la Charité", mais plutôt une association de femmes riches), monsieur Vincent parvient à récolter des fonds qui permettent, entre autre, d'apporter des solutions au douloureux problème des bébés abandonnés (environ 500 chaque année à Paris).
    Parmi les membres de l'oeuvre : Marie de Gonzague (la future reine de Pologne), Charlotte de Montmorency (la mère du Prince de Condé), madame Fouquet (la mère du surintendant), madame de Lamoignon (l'épouse du président du Parlement), madame Séguier (la femme du Grand Chancelier)... Leur apostolat, notons-le au passage, facilite beaucoup le rapprochement des classes sociales.
        
    Pour conclure, nous pourrions retenir que St Vincent de Paul est un homme qui tient l'Eglise de France "à bout de bras", durant sa vie.
    Il débloque beaucoup de choses et, grâce à son action, l'esprit du Concile de Trente parvient à se diffuser dans une France en proie à de terribles conflits. Notre pays finit même par prendre de l'avance sur les autres !
       
    Décédé le 27 septembre 1660 et canonisé en 1737, il est déclaré "Patron de toutes les oeuvres charitables" en 1885.
    Il n'y a qu'un mot pour décrire un tel homme : c'est un génie spirituel.