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IV-L'EGLISE DU MOYEN-AGE : UN SOUFFLE NOUVEAU VENU DE LA REFORME GREGORIENNE (du XIe au XIIIe siècle)
Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, l'influence des ordres monastiques permet aux chrétiens de se libérer peu à peu de l'influence des seigneurs (quoique pas totalement) et de retrouver une vie plus conforme à l'esprit de l'évangile.
Toutefois, l'Eglise hiérarchique joue elle aussi un rôle déterminant dans cette lutte, et ceci grâce à la réforme grégorienne.
Si vous êtes d'accord, concentrons-nous maintenant sur ce second point.
1-En 1073 arrive au Vatican un pape très habile et très énergique : Grégoire 7 (1073-1085).
D'origine modeste (ses parents étaient des paysans toscans), il a été élève dans un monastère italien dépendant de Cluny (l'ordre d'où est parti le courant réformateur).
Il est donc très conscient des problèmes de son époque, et très désireux de les régler.
Dès mars 1074, après avoir réuni un concile d'évêques à Rome, il prend 4 décisions fortes :
a)-"Quiconque aura obtenu par de l'argent une ordination ou une charge spirituelle, doit être exclu de la hiérarchie de l'Eglise".
b)-"Quiconque est possesseur d'une paroisse ou d'une abbaye pour l'avoir achetée en sera dépossédé".
c)-"Nul clerc marié ne pourra plus célébrer la messe, ni même remplir à l'office les fonctions de diacre ou de sous-diacre (ordres majeurs)".
d)-"Quand un clerc désobéira publiquement aux trois ordonnances précédentes, le peuple chrétien aura interdiction d'assister à ses offices, et devra même l'amener à se soumettre".
En février 1075, il rajoute à cela un décret solennel : "Qu'aucun ecclésiastique ne reçoive en aucune façon une église des mains d'un laïc, soit gratuitement, soit à titre onéreux, sous peine d'excommunication pour celui qui la donne et pour celui qui la reçoit".
2-Les orientations de Grégoire 7 sont diffusées par le biais de Concile provinciaux (des légats réunissent les évêques et les abbés d'une même province), puis de synodes diocésains (les évêques rassemblent les prêtres de leurs diocèses).
La réforme grégorienne rencontre une opposition quasi générale (sauf dans la Normandie de Guillaume le Conquérant et en Espagne).
La raison en est simple : les seigneurs et les responsables de l'Eglise (évêques, prêtres, diacres, abbés, abbesses...) sont unis par des intérêts communs.
En effet, les premiers sont souvent les parents (ou les amis proches) des seconds. Dès lors, il est clair que les ministres ordonnés et les abbés ne peuvent pas s'opposer aux seigneurs.
C'est ainsi que naît une querelle qui va durer 50 ans (entre le pape et les autorités civiles) : "la querelle des investitures" (qui nomme qui ?).
3-Malgré la forte opposition, Grégoire 7 ne désarme pas. Il s'accroche. Il ne parvient pas à tout solutionner lui-même, mais, grâce à l'action de ses successeurs, les choses évoluent lentement.
a)-Calixte II (1119-1124) trouve une solution intermédiaire : le Concordat de Worms.
Ce dernier stipule que la nomination du pape revient aux seuls cardinaux et que la nomination des évêques revient au pape. En 1123, le concile de Latran I est entièrement consacré à cette question.
b)-Adrien IV (1154-1159) s'oppose à l'empereur Frédéric Barberousse qui voudrait assujettir l'Eglise à nouveau.
c)-Enfin, Innocent III (1198-1216) parvient à mettre un terme à la querelle des investitures (en théorie, du moins !) grâce au Concile de Latran 4.
Il y est affirmé que le pouvoir vient de Dieu et qu'il doit être exercé par ceux qui ont reçu l'investiture (c'est la théocratie papale) (1)
Finalement, les rois se plient à cette orientation et se déclarent "vassaux de la Sainte Eglise".
4-Des avancées réelles sont réalisées grâce à l'action conjointe des moines (voir le chapitre 3) et de la réforme grégorienne (décrite dans ce chapitre).
Comme on peut l'imaginer, tout n'est pas toujours appliqué à la lettre. L'Eglise ne se sort pas entièrement de l'emprise des seigneurs.
Toutefois, les choses avancent suffisamment pour qu'un souffle de liberté se lève et qu'arrive un nouveau temps de foi, d'espérance et de charité : le temps des cathédrales.
(à suivre)
(1) L'idée que le pouvoir vient de Dieu était extrêmement présente chez le pape Jean-Paul II.