• LE BEAU EST-IL TOUJOURS LA SPLENDEUR DU VRAI ?

    Dans un livre intitulé "Dieu en questions" (aux éditions Desclée de Brouwer), l'académicien André Frossard (maintenant décédé) écrit ceci : "On reconnaît qu'une chose est vraie tout simplement à ceci qu'elle est belle".
    Pour appuyer son propos, il cite une phrase de Saint Thomas d'Aquin (1225-1274) : "Le beau est la splendeur du vrai".
        
    Il faut dire que la notion de "beau" est très importante dans l'Eglise actuelle.
    On en parle beaucoup.
    Lors d'une rencontre à Paray le Monial, il y a quelques années, le cardinal Danneels a dit : "Après avoir évangélisé par le vrai et le bon, l'Eglise doit maintenant passer par le beau".
        
    Mais sommes-nous bien certains que le beau est TOUJOURS la splendeur du vrai ?
        
    En lisant ce poème de Baudelaire, tiré des "Fleurs du mal", on peut sincèrement se poser la question.
    S'il est vrai que ce texte est très BEAU au niveau de la FORME, il n'en reste pas moins qu'il est totalement FAUX au niveau du FOND (Dieu, en effet, nous est présenté comme un être assoiffé de sang, et Jésus nous est montré comme quelqu'un qui regrette d'avoir vécu sa Passion).
    Mais lisons plutôt.
        
    LE RENIEMENT DE SAINT PIERRE
        
    Qu'est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anathèmes
    Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins ?
    Comme un tyran gorgé de viande et de vins,
    Il s'endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.
        
    Les sanglots des martyrs et des suppliciés
    Sont une symphonie enivrante sans doute,
    Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
    Les cieux ne s'en sont point encore rassasiés !
        
    -Ah ! Jésus, souviens-toi du jardin des Olives !
    Dans ta simplicité tu priais à genoux
    Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous
    Que d'ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,
        
    Lorsque tu vis cracher sur ta divinité
    La crapule du corps de garde et des cuisines,
    Et lorsque tu sentis s'enfoncer les épines
    Dans ton crâne où vivait l'immense humanité;
        
    Quand de ton corps brisé la puanteur horrible
    Allongeait tes deux bras distendus, que ton sang
    Et ta sueur coulaient de ton front pâlissant,
    Quand tu fus devant tous posé comme une cible,
        
    Rêvais-tu de ces jours si brillants et si beaux
    Où tu vins pour remplir l'éternelle promesse,
    Où tu foulais, monté sur une douce ânesse,
    Des chemins tout jonchés de fleurs et de rameaux,
        
    Où, le coeur tout gonflé d'espoir et de vaillance,
    Tu fouettais tous ces vils marchands à tour de bras,
    Où tu fus maître enfin ? Le remords n'a-t-il pas
    Pénétré dans ton flanc plus avant que la lance ?
        
    -Certes, je sortirai, quant à moi, satisfait
    D'un monde où l'action n'est pas la soeur du rêve;
    Puissé-je user du glaive et périr par le glaive !
    Saint Pierre a renié Jésus... il a bien fait.
        
    (Charles de Baudelaire, 1852, tiré des "Fleurs du mal")
        
    Je ne sais pas ce que vous en pensez, chers amis internautes, mais, pour moi, ce poème est nul.
        
    Ne vous semble-t-il pas qu'il vaut mieux lire un texte qui est VRAI au niveau du FOND et LAID au niveau de la FORME, plutôt qu'un texte qui est BEAU au niveau de la FORME et FAUX au niveau du FOND ?