• XI-L'EGLISE A L'EPOQUE DES LUMIERES : FACE AU MIRAGE DE LA SCIENCE ET DE LA RAISON (XVIIIe siècle)

    1-Au milieu du XVIe siècle, le Concile de Trente parvient à "nettoyer" l'Eglise de haut en bas et à lui redonner sa crédibilité.
    Toutefois, d'autres ennuis surgissent peu à peu et font que le christianisme se retrouve à nouveau dans une passe très difficile.
    a)-Tout d'abord, il y a un problème interne concernant l'humanisme. Comme nous l'avons vu, ce mouvement envisage l'avenir sans s'appuyer sur l'Eglise et cela donne naissance à une querelle extrêmement vive entre les jésuites (qui souhaitent évangéliser l'humanisme et développent une théologie morale moins rigoureuse que l'on appelle le "molinisme") et les jansénistes (qui insistent beaucoup plus sur l'importance de Dieu, notamment dans le domaine de la grâce, et sur la nécessité de prendre du recul par rapport au monde).
    Le Saint Siège ne condamne pas le molinisme mais l'Eglise étant devenue un véritable "champ de bataille", l'ordre des jésuites est supprimé de 1773 à 1814 (cela, comme on peut l'imaginer, a des effets désastreux sur les missions et sur l'éducation).
    b)-Ensuite, il y a des tensions entre Rome et Paris.
    Cela vient du fait que Louis XIV, qui dirige la France en monarque absolu, tend à favoriser l'émergence d'une Eglise catholique "française" (et non pas "romaine" !). C'est ce que l'on appelle alors le "gallicanisme".
    Le Vatican cherche donc à réaffirmer son pouvoir spirituel sur la monarchie en place.
    c)-Enfin, le problème qui nuit le plus à l'image de l'Eglise est sûrement "l'affaire Galilée". En effet, persuadées que le géocentrisme (la terre est au centre de l'univers) est la seule théorie qui vaille, les autorités ecclésiales contraignent le physicien italien Galilée (1564-1652) à renier l'héliocentrisme (le soleil est au centre de l'univers). En 1633, cela fait grand bruit et provoque un énorme scandale.
    d)-La conséquence de ces trois problèmes est que le christianisme apparaît très vite comme un monde "renfermé", "statique" et "chamailleur".
    On utilise souvent l'adjectif "obscurantiste", pour le qualifier. De plus, ces affaires détournent les intellectuels de la foi (à l'instar des humanistes de la Renaissance) et l'Eglise perd une très grande partie de son influence.
        
    2-Parallèlement à cela, on assiste à une montée en puissance de la pensée scientifique et philosophique.
    Contrairement à la religion, ces deux domaines donnent le sentiment d'être vraiment "ouverts" et "en mouvement".
    Mais distinguons deux points :
    A-LA SCIENCE.
    L'anglais Isaac Newton (1642-1727) découvre la loi de l'attraction universelle tandis que son compatriote Thomas Newcommen (1663-1729) construit la première machine à vapeur vraiment utilisable (1712).
    De son côté, John Kay (un autre anglais) met au point une "navette" (1733) qui permet de booster la production de textile et lance véritablement la révolution industrielle en Angleterre.
    On construit alors les usines à proximité des mines de charbon, pour alimenter les machines à vapeur, et les grandes villes font leur apparition dans un Royaume Uni riche en matières premières et pacifié au niveau intérieur.
    A cette époque, la foi dans le progrès est très grande.
    B-LA PHILOSOPHIE.
    Dès le XVIIe siècle, René Descartes (1596-1650) donne un nouvel élan à la pensée philosophique en mettant la raison humaine au centre de sa démarche et en faisant table rase de toute connaissance non fondée.
    Son "Je pense donc je suis" ainsi que sa "démonstration" de l'existence de Dieu par la seule raison (voir le "Discours sur la méthode", 1637) fascinent. Sa pédagogie conquiert même la plupart des enseignants et des universitaires.
    Toutefois, quand on se base sur la "raison" plutôt que sur la "Révélation", les découvertes théologiques restent forcément limitées. Comme le dit l'article 237 du Catéchisme de l'Eglise Catholique (au sujet, par exemple, du fameux mystère de la Trinité) : "La Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des mystères cachés en Dieu qui ne peuvent être connus s'ils ne sont révélés d'en haut".
    La seule raison ne nous éclaire donc pas complètement sur qui est Dieu. Elle ne permet pas de tout comprendre de Lui.
    La conséquence de cela est que le Dieu de Descartes est "flou", "lointain", "abstrait", "désincarné".
    Le succès considérable de cet auteur - particulièrement dans le monde de l'éducation – lui permet malheureusement de propager partout l'idée que le Créateur est "insaisissable".
        
    3-Le mouvement des "Lumières" (XVIIIe siècle) est souvent présenté comme un "nouvel humanisme".
    L'homme est toujours au centre des préoccupations, mais là où les humanistes de la Renaissance avaient mis la mythologie grecque, les lumières mettent la science (qui est alors en plein essor) et la raison (qui s'est détachée de l'Eglise).
    a)-Les principaux représentants français (Denis Diderot (1713-1784), le baron de Montesquieu (1689-1755), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)...) exercent une influence considérable sur leurs contemporains.
    On les invite dans toutes les cours d'Europe et ils diffusent leurs idées dans tous les pays.
    Le coeur de leur pensée est que l'homme a été jusqu'alors un enfant placé sous la tutelle de l'Eglise, et qu'il va enfin devenir adulte grâce aux progrès techniques et intellectuels.
    b)-Le mouvement compte également des partisans dans d'autres pays. Le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804), par exemple, développe lui aussi l'idée selon laquelle Dieu est "inconnaissable" et "inaccessible".
    Pour lui, on ne peut comprendre que les sciences et le monde matériel. Il est vrai qu'il reconnaît une possibilité d'atteindre également la sphère morale, mais la morale telle qu'il la conçoit ne renvoie jamais à une personne.
    En effet, il ne préconise pas de faire les choses parce que Dieu nous aime, mais uniquement parce qu'il faut les faire (c'est ce qu'il appelle "l'impératif catégorique", en 1788).
    c)-Nous voyons donc bien que le pont entre Dieu et les hommes, construit par Jésus Christ et rendu "tangible" par son Eglise, est rompu. Dieu devient progressivement un "étranger", un être "indéfinissable", "vague", "absent". On dit que la Révélation est une tromperie, que la Bible est une erreur et que le Christ est une invention de l'Eglise.
    Certains, à l'instar de Voltaire (1694-1778), n'hésitent pas à annoncer l'effondrement prochain du christianisme.
    d)-Les penseurs du siècle des "lumières" ne deviennent pas tous des incroyants ou des apostats, certes. Toutefois, il y a de très nombreuses attaques portées contre la foi chrétienne (Rome interdit d'ailleurs plusieurs livres).
    e)-Notons aussi que de la même façon que la Renaissance avait entraîné des abus au niveau moral, l'époque des lumières connaît elle aussi ses écarts.
    Le libertinage, qui en est un, apparaît dès le XVIIe siècle.
        
    4-Afin de bien illustrer ce phénomène de "rationalisation de la pensée", prenons l'exemple de celui qui est reconnu comme le penseur emblématique de cette période, Denis Diderot (l'auteur de "L'Encyclopédie"), et essayons de voir quelles sont les différentes étapes de son parcours spirituel.
    a)-Tout d'abord, il faut savoir que ses parents sont des artisans catholiques qui le destinent à la vie ecclésiale.
    Diderot reçoit donc très jeune une éducation chez les JESUITES, mais, vers l'âge de 20 ans, il décide de s'enfuir et mène une vie de bohème.
    b)-Dans ses "Pensées philosophiques" (1747), on sent qu'il s'oriente peu à peu vers le DEISME (c'est à dire qu'il reste croyant, mais sans faire de référence à une révélation. En ce sens, il se coupe donc de l'Eglise).
    c)-Dans sa "Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient" (1749), il franchit une autre "étape" dans l'éloignement de la religion en se tournant vers l'ATHEISME (c'est à dire qu'il nie désormais l'existence même de Dieu).
    d)-Enfin, à partir de 1750, il embrasse purement et simplement le MATERIALISME (autrement dit, il rejette l'idée selon laquelle il y a du "spirituel", en l'homme, et il pense que le genre humain est le fruit d'une lente évolution de la matière).
    Les philosophes, nous le savons, jouent un rôle très important dans la société.
    Par leurs écrits, en effet, ils diffusent des idées.
    Or, en diffusant des idées, ils ont le pouvoir de former (ou de déformer !) les esprits. Et en les formant (ou en les déformant), ils façonnent également les comportements et préparent inévitablement les actions futures.
        
    Comme nous allons le voir au prochain chapitre, les artisans de la révolution française, modelés par les idées des lumières, ne vont pas être tendres avec notre Mère l'Eglise !
        
    (à suivre)