• XIII-L'ESPRIT MISSIONNAIRE SAUVE L'EGLISE DE FRANCE (XIXe siècle)

    1-Le siècle qui suit la révolution française est un siècle de très grande instabilité politique.
    Il faut dire que les gens, qui ont toujours eu un roi pour les diriger, doivent maintenant apprendre à gérer eux-mêmes la société nouvelle, et cela n'est pas simple.
    Aussi les périodes d'espoir laissent-elles place à des périodes de déception et d'incertitude, créant ainsi un équilibre social très précaire.
    Quand on regarde les choses avec attention, on a le sentiment que la France hésite alors entre trois voies possibles : poursuivre dans l'esprit de la Révolution malgré les difficultés (la République), revenir à la Monarchie (la Restauration) ou bien s'abandonner à un pouvoir central fort (l'Empire et Napoléon).
    C'est ainsi que ces trois types de régimes se succèdent au rythme des coups d'Etat.
        
    2-Au sein de ce grand désordre, l'Eglise parvient malgré tout à refaire surface. Voici comment :
    Au début du XIXe siècle, Napoléon Bonaparte (1769-1821) juge que le temps est venu de remettre la religion à l'honneur (un peu à l'instar de Cyrus de Perse qui, dans l'Ancien Testament, avait décrété que les hébreux pouvaient revenir de leur déportation à Babylone). "Une société sans religion, dit-il, est un vaisseau sans boussole".
    Ce choix, nous l'imaginons bien, est surtout tactique car il lui permet de gagner les suffrages des catholiques qui voient en lui le restaurateur du christianisme.
    Cela facilite donc son maintient au pouvoir, chose pas évidente en ces temps de recherche et de tâtonnement !
         
    3-Le "retour" de l'Eglise se fait dans le cadre de ce que l'on appelle le "Concordat". Ce texte, qui est approuvé par Rome et par l'Etat en 1801, est longuement négocié car Napoléon cherche à conserver le contrôle de l'Eglise.
    Finalement, après d'âpres discussions, on parvient néanmoins à trouver un "compromis" dont l'Eglise ressort à la fois renforcée et diminuée :
    a)-Les rassemblements religieux sont à nouveau autorisés (les messes, les sacrements..); le pape nomme les évêques et les évêques ordonnent les prêtres; l'Etat assure le traitement des ministres du culte....
    b)-Toutefois, le gouvernement français se réserve le droit de ratifier (ou pas) le choix et les nominations des membres du clergé; l'Eglise doit renoncer à revendiquer les biens ecclésiastiques confisqués à la Révolution; un serment de fidélité au gouvernement est demandé aux évêques et aux prêtres; le nombre des évêchés passe de 120 en 1789 à seulement 40 en 1802…
    Bref, comme on peut l'imaginer, il n'est pas facile de se réorganiser dans de telles conditions.
    Toutefois, cela est suffisant pour que l'Eglise sorte enfin de la clandestinité.
        
    4-Voici maintenant comment les choses se passent "en aval" :
    A-LES ORDRES ANCIENS.
    Tout d'abord, il y a un retour des grands ordres religieux. Les Trappistes, qui ont quitté la France après la Révolution et sont allés s'installer aux USA et en Russie, sont les premiers à être rétablis. Reviennent ensuite les Bénédictins, les Dominicains, les Franciscains, les Carmes…
    Les vocations arrivent très rapidement et certains monastères comptent même plusieurs centaines de moines.
    B-LES ORDRES NOUVEAUX.
    Ensuite, il faut savoir que, pendant la Révolution, il y a eu de très nombreux "groupes de résistance" qui se sont constitués à travers le territoire national (pour catéchiser les enfants, assister les mourants, cacher les prêtres réfractaires, préparer des messes...).
    Or, il se trouve qu'à partir de 1801, ces groupes sortent de l'ombre et deviennent des ordres religieux (pour un grand nombre d’entre eux, du moins).
    Parmi les figures marquantes de cette époque, on peut noter : Anne-Marie Javouhey (fondatrice des soeurs St Joseph de Cluny), Anne-Marie Rivier (fondatrice de la Présentation de Bourg Saint Andéol), Anne-Sophie Barat (fondatrice des Dames du Sacré Coeur), Sainte Marie-Euphrasie Pelletier (fondatrice de l'oeuvre du "Bon Pasteur" d'Anger, qui vient en aide aux filles en difficulté), Sainte Thérèse Couderc (fondatrice de la communauté du Cénacle), le Père Rozand (fondateur de Ste Clotilde), le Père Guillaume Chaminade (fondateur des marianistes, pour l'éducation des jeunes), monsieur Allemand (fondateur de l'Oeuvre pour l'Education de la Bourgeoisie Marseillaise)... etc.
    C-L'ACTION DES FEMMES.
    Comme nous le constatons, les femmes occupent une place extrêmement importante dans la rechristianisation de la France. Elles se montrent très militantes, très décidées et, surtout, très combatives. Certaines, qui sont d'authentiques génies de l'organisation, arrivent même à bâtir de véritables empires religieux (un peu à l'instar de mère Thérèsa aujourd'hui) !
    A la fin du XIXe siècle, on dénombre pas moins de 1200 congrégations de femmes, en France, ce qui est énorme. D'une certaine manière, on peut dire que le génie féminin a sauvé notre pays !
        
    D-L'ENSEIGNEMENT.
    A cela vient s'ajouter également une floraison d'œuvres liées à l'enseignement :
    a)-Les missions paroissiales sont plus nombreuses que jamais.
    b)-Des écoles et des collèges fleurissent partout (on prend en effet conscience que l'anticléricalisme de la Révolution venait du fait que l'éducation n'était pas encore assez performante).
    c)-La mise en place des "petits séminaires" (certains diocèses en possèdent 4 ou 5, chacun comptant 400-500 enfants) permet de renouveler totalement le nombre de prêtres (notamment en admettant au sacerdoce des candidats issus de milieux populaires et pas uniquement bourgeois, comme cela était le cas auparavant).
    Au XIXe siècle, il y a plus de prêtres qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles.
    d)-Enfin, on peut noter que ce sont généralement les communes qui demandent aux religieux de construire des établissements scolaires (notamment aux maristes et aux frères des écoles chrétiennes) car les établissements catholiques ont une très bonne réputation.
    De plus, à partir du moment où il n'y a pas encore de séparation de l'Eglise et de l'état, les villes peuvent tout à fait collaborer avec les ordres religieux.
        
    5-Nous voyons donc que l'Eglise regagne progressivement du terrain, après toutes ces années de clandestinité. Pour bien marquer son "retour à la liberté", on cherche même à la mettre en valeur dans le paysage. Pour cela, on construit Montmartre (à Paris), Fourvière (à Lyon), Notre Dame de la Garde (à Marseille)… et ceci dans un esprit de profonde dévotion au Sacré Coeur de Jésus et au Coeur Immaculé de Marie (n'oublions pas que les manifestations de Jésus à soeur Marguerite-Marie, à Paray le Monial, datent de 1673, et que les apparitions de la rue du Bac ont lieu en 1830, celles de La Salette en 1846, celles de Lourdes en 1858, celles de Pontmain en 1871…).
    Le Renouveau est spectaculaire et rapide : la France est très vite ré-encadrée, des progrès considérables sont accomplis dans la pratique religieuse jusqu'en 1870, un art sacré très riche se développe, 140 causes de français morts en réputation de sainteté sont introduites à Rome (rien que pour le XIXe siècle !)…
        
    Certains se prennent alors à rêver à une société religieuse semblable à celle du Moyen-Age, c'est à dire une société dans laquelle l'Eglise ferait émerger des dirigeants chrétiens qui défendraient à leur tour la foi lorsqu'ils accéderaient au pouvoir.
    Ce rêve, malheureusement, ne verra pas le jour. Le XXe siècle, en effet, ne sera pas religieux et la victoire de l'Eglise ne sera pas totale. Dans le prochain chapitre, nous verrons pourquoi.
        
    (à suivre)