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XIV-MALGRE UN GRAND ELAN MISSIONNAIRE, LA VICTOIRE DE L'EGLISE N'EST PAS TOTALE (XIXe siècle).
1-Le formidable élan missionnaire du XIXe siècle permet à l'Eglise de France de refaire surface beaucoup plus rapidement qu'on aurait pu le penser après la révolution française.
Parmi les zones "reconquises", il y a :
a)-LES CAMPAGNES :
Les prêtres y sont très proches du peuple, très dévoués et très appréciés de leurs paroissiens.
Il faut dire que le monde rural est le lieu où la population est la plus nombreuse. Il est donc normal que l'Eglise déploie de gros efforts pour s'en occuper.
b)-LA BOURGEOISIE :
Après 1789, elle tire sa fortune de l'achat des biens du clergé – qui, ne l'oublions pas, ont été confisqués par l'état au moment de la révolution française - et elle est donc très anticléricale. Mais peu à peu, un changement s'opère.
Il y a deux raisons à cela :
-Tout d'abord, il faut savoir que les bourgeois aiment bien mettre leurs enfants dans des écoles catholiques car ces dernières ont une très bonne réputation (la discipline est stricte et l'enseignement est de qualité).
Il en résulte que leurs enfants – qui suivent aussi un enseignement religieux, dans ces établissements – parlent de la foi, chez eux, et finissent bien souvent par convertir leurs propres parents.
-Ensuite, dans le monde de la bourgeoisie, cela rassure toujours les parents lorsque les enfants se marient avec des catholiques. En effet, épouser un chrétien (ou une chrétienne) est un gage de sérieux.
C'est ainsi qu'apparaissent en France de très nombreux foyers fondés sur les valeurs de l'évangile (le conjoint chrétien se chargeant de convertir les autres membres de sa famille).
Progressivement, l'Eglise est donc perçue par la bourgeoisie comme un "instrument de stabilité sociale" et non plus comme une "institution archaïque".
c)-L'ARMEE :
Au début du XIXe siècle, l'armée napoléonienne est elle aussi très anticléricale.
Toutefois, le fait qu'un nombre croissant d'officiers soient issus d'écoles tenues par des jésuites permet à l'Eglise de reconquérir également les milieux militaires.
2-En dépit de ces succès, il subsiste quand même de grandes zones d'ombre. Parmi elles :
a)-LES VILLES :
-Elles sont difficiles à encadrer à cause de l'extension permanente des faubourgs (n'oublions pas que nous sommes au temps de la révolution industrielle !).
De plus, un accord doit être demandé au gouvernement et aux mairies pour construire des édifices religieux… et les autorisations sont souvent refusées.
On a donc beaucoup de mal à construire et à créer de nouvelles paroisses. Certains quartiers sont même complètement laissés à l'abandon.
Par ailleurs, bon nombre d'ouvriers considèrent que l'Eglise est "de connivence" avec la bourgeoisie et, de ce fait, le climat lui est spontanément hostile.
En effet, le système libéral bourgeois entraînant une paupérisation des travailleurs (on les paye moins pour vendre plus, et moins cher), les ouvriers tendent à rejeter tout ce qui est lié aux classes supérieures et ils se tournent plus volontiers vers les courants socialistes et révolutionnaires.
b)-LE MONDE DE LA PENSEE :
Enfin, le dernier secteur que l'Eglise ne parvient pas à reconquérir (et c'est là, très certainement, son plus gros échec) est le monde intellectuel et politique.
L'exemple qui illustre le mieux cela est sans doute celui de Victor Hugo (1802-1885) : poète, écrivain et homme politique (il est député en 1848), il finit par abandonner totalement le christianisme.
Pour mieux comprendre les raisons de cet échec, il faut savoir plusieurs choses :
-Etant donné que la société du XIXe est très instable (les régimes politiques se succèdent au rythme des coups d'état; certains dirigeants sont pour l'Eglise, d'autres contre; il y a le problème de la franc-maçonnerie…), l'Eglise est obligée de réajuster sans cesse ses positions.
Or, dans les périodes troublées, les chrétiens ont deux traditions : soit ils résistent, soit ils se montrent plus ouverts et récupèrent ce qui peut l'être (cela varie suivant les époques).
-Au XIXe siècle (qui est donc un siècle où les intellectuels sont imprégnés d'idées mettant en avant la "raison individuelle" et "l'innovation"), l'Eglise ne s'oppose pas au progrès mais elle décide d'adopter une attitude de résistance doctrinale et, pour ce faire, elle se recentre très fortement autour du Pape, de l'autorité, des règles, de la tradition, de la continuité ("Le monde passe et la Croix demeure", dit-on parfois).
-Cette attitude aboutit à la publication d'un texte appelé "Le Syllabus", en1864 (dans lequel le pape Pie IX se montre très critique vis-à-vis des dérives du monde moderne), ainsi qu'à la définition du dogme de l'infaillibilité pontificale, en 1871.
-Tout cela, bien sûr, ne va pas du tout dans le sens de la philosophie des lumières qui prône la rupture avec le passé et le changement radical.
C'est pourquoi les élites du XIXe ne se tournent pas vers la foi.
3-Comme nous le comprenons bien, dans une société où il n'y a pas de séparation entre l'Eglise et l'état, le christianisme ne peut pas se propager si la société civile n'est pas d'accord.
Or, les hauts responsables ne partageant pas le conservatisme de Rome (c'est notamment le cas des artisans de la 3e république, à partir de 1870) il y a inévitablement des problèmes qui surgissent. Parmi eux, on peut noter :
-Un écrasement de l'école libre par l'expulsion des congrégations qui les dirigent.
-Une baisse très forte de la pratique religieuse (elle n'avait pourtant jamais cessé de monter jusqu'en 1870).
-Puis, finalement, une séparation de l'Eglise et de l'état en 1905. - Dès la troisième république, on peut prévoir que le XXe siècle ne sera pas religieux.
(à suivre)