• EXORCISME ET DISCERNEMENT (résumé d'une conférence donnée par le père Gabriel Amorth, publié dans "L'Echo de Marie Reine de la Paix" en décembre 2000)

    Au cours d'une conférence, don Gabriel Amorth, l'exorciste bien connu du Vatican, nous a entretenus d'une question très importante pour la vie des chrétiens, surtout en ce temps où lumière et ténèbres s'affrontent de manière évidente. Le thème abordé "Exorcisme et discernement" peut être synthétisé en trois points.
        
    1-L'EXISTENCE DU DEMON
        
    Avant tout, il faut cadrer le problème de l'existence du démon, mis en discussion par bon nombre de théologiens rationalistes, qui voudraient interpréter satan seulement comme un mythe ou un symbole du mal en général. A ces savants, nous rappelons l'enseignement du Catéchisme de l'Eglise Catholique : quand, à la fin du "Notre Père" nous disons "mais délivre-nous du mal", par "mal" s'entend la personne du Malin, non le mal en général (CEC n°2851). Le pape Paul VI dit, relativement au diable : Satan est un agent pervers et de perversion… ce n'est pas seulement un démon, mais une terrible pluralité. Donc, satan est une personne, et même une pluralité de personnes; il comprend tous les anges qui, ayant refusé d'obéir à Dieu, sont devenus des démons, c'est-à-dire rebelles et maudits. A l'appui de cette doctrine de l'Eglise, il est opportun de rechercher dans la Bible quelques passages d'où émerge que l'existence de satan est clairement révélée dans l'Ecriture; en outre, on peut comprendre que parler du démon signifie parler indirectement du Christ, puisque la Bible affirme que Jésus est le Sauveur, venu nous libérer du pouvoir du Malin. "Satan est libre, intelligent et doté d'esprit d'initiative".
        
    2-L'ACTION DU DIABLE
        
    Son activité principale, que nous pouvons définir comme ordinaire, consiste à tenter l'homme au mal, cherchant à le faire s'éloigner de Dieu. C'est pourquoi il ne suffit pas simplement de "croire en Dieu" – ce qui est le propre de 90% de nos contemporains – mais il est nécessaire de faire la volonté de Dieu. "Au cours de mes 45 000 exorcismes – raconte ironiquement don Amorth – je n'ai jamais rencontré un diable qui ne croie pas en Dieu. Croire ne sert à rien; il faut plutôt faire ce que Jésus nous a dit de faire" (cf : Jc 2, 14-20; Mt 7,21). A cette action tentatrice du démon nous sommes tous soumis, et pour toute notre vie, comme cela s'est produit aussi pour Jésus et Marie; c'est pourquoi il est nécessaire de veiller, de fuir les occasions de péché et surtout de prier, car seuls nous perdons la lutte contre satan, tandis que nous en serons vainqueurs si nous nous unissons au Christ dans l'oraison. Il existe aussi une activité extraordinaire du démon, qui consiste en son pouvoir d'occasionner des troubles particuliers, exceptionnels; cela se produit quelquefois par notre propre faute, mais aussi parfois par celle d'autrui. Nous pouvons classifier ces maux selon 4 catégories, bien qu'il n'existe pas un langage commun parmi les exorcistes pour décrire les phénomènes démoniaques.
        
    A1-La possession
    Le diable entre dans le corps humain et se manifeste par des gestes et des paroles. Dans un tel cas, qu'il soit bien clair que satan ne peut jamais se rendre maître de l'âme.
        
    A2-La vexation
    Le démon frappe une personne avec des souffrances et des maléfices, agissant sur le plan de la santé, des affection ou/et du travail. C'est un cas très difficile à discerner car souvent ces maux proviennent de satan mais d'une manière indirecte, non évidente, jusqu'à sembler provoqués par des phénomènes naturels. Pourtant, les personnes frappées, souvent incomprises des prêtres et des Evêques peu instruits de ces faits, tournent alors leur recherche d'aide vers des mages; les problèmes se compliquent alors ultérieurement car toute magie tire son efficacité du royaume des ténèbres. C'est une illusion stupide de penser que la magie dite "blanche", celle qui semble poursuivre une finalité de bien, puisse utiliser le pouvoir du Malin pour devenir bénéfique et éliminer le mal. La magie est toujours noire, toujours maléfique, même quand elle est présentée comme "bonne".
        
    A3-L'obsession
    Il s'agit de troubles donnés à l'homme, qui frappent sa sérénité intérieure, son équilibre psycho-émotif. Satan agresse en causant des perturbations, angoisses et tourments intimes.
        
    A4-L'infestation
    On entend ces maléfices qui frappent également les choses et les animaux. Le Catéchisme de l'Eglise Catholique affirme qu'on peut faire des exorcismes aussi aux choses (CEC n°1673), et, de fait, il arrive parfois de devoir exorciser des maisons ou des lieux.
        
    Tous ces maux particuliers – qui toutefois n'ont jamais de pouvoir sur l'âme – se reçoivent pour 4 motifs :
        
    B1-Par libre initiative du démon
    Dieu, en vertu de la liberté accordée à chaque créature, tolère que satan opère le mal, même si le mal n'est pas la volonté du Seigneur. Sa non-intervention immédiate ne représente pas pour autant une permission de Dieu au mal. Les motifs de cette volonté divine nous échappe en partie; pourtant, nous savons que le Tout-Puissant a le pouvoir de transformer le mal en bien. De nombreux saints ont été frappés de possessions, vexations, obsessions, et se sont sanctifiés à travers ces épreuves : Padre Pio, le curé d'Ars, Sainte Gemma… N'oublions pas la valeur de la croix. Les maux sataniques, offerts en sacrifice à Dieu, ont un énorme pouvoir de rédemption.
        
    B2-Par la fréquentation des lieux dangereux
    Mages, cartomanciennes, groupes sataniques, séances de spiritisme.
        
    B3-Par la persistance dans le péché grave.
    Avec le temps, on "s'endurcit" dans le péché et le mal creuse plus profondément ses racines en nous.
        
    B4-Par les maléfices
    C'est la cause la plus commune, qui regarde 90% des cas et ne dépend pas de celui qui subit les maux. "Maléfice" signifie un mal fait avec l'aide du démon. Qui peut le faire ? Non pas tous mais seulement les mages réellement en contact avec le diable. On connaît diverses formes de maléfices : envoûtement, enchaînement, mauvais œil… Sont coupables de tels maux celui qui ordonne les maléfices et celui qui les fait.
        
    3-L'AUTORITE QUE LE CHRIST A CONFERE A L'EGLISE AFIN QU'ELLE CHASSE SATAN
        
    Jésus a donné ce pouvoir, d'abord aux Douze, puis à 72 disciples; enfin, il l'a étendu à tous les croyants : "Voici les signes qui accompagneront ceux qui croient : en mon ils chasseront les démons" (Mc 16,17). Pourtant, aujourd'hui l'exorcisme peut être fait seulement par un prêtre autorisé par son propre Evêque, et avec la permission de l'Evêque du lieu. Toutefois, chaque fidèle peut réciter des prières de libération, pour soi-même et pour les autres, sans qu'il soit besoin de l'autorisation de l'Evêque, lequel peut au maximum prohiber la forme publique ou le lieu où ces implorations sont faites. La finalité de ces prières est la même que celle de l'exorcisme, c'est-à-dire chasser satan; mais tandis que l'exorcisme est la prière officielle et publique faite au nom de l'Eglise – et c'est pourquoi elle est intrinsèquement plus efficace – la prière de libération reste toujours une prière privée qui, dans quelques cas peut quand même donner de grands résultats. En fait, au temps de sainte Catherine, il est arrivé qu'on lui amène les cas de possession les plus difficiles; Catherine, qui n'était pas prêtre mais qui était sainte, réussissait à les libérer. Ainsi en fut-il de saint François, saint Léopold Mandic et de tant d'autres saints qui, bien que n'étant pas exorcistes, ont libéré de nombreux possédés. En règle générale, le pouvoir de chasser les démons dépend de la foi et de la prière. (fin de l'article)
        
    4-SUPPLEMENT
        

    Pour terminer, ajoutons cette réponse que le père Gabriel Amorth a faite à un journaliste qui lui demandait ce que faisait l'Eglise face au déferlement des phénomènes sataniques.
    Elle est complètement absente ! Depuis 300 ans on a cessé de faire des exorcismes dans l'Eglise latine (il n'en est pas de même dans l'Eglise orthodoxe et dans certaines confessions protestantes). C'est pourquoi les prêtres et Evêques, n'ayant jamais vu d'exorcismes, n'en parlent jamais; ayant évacué de la foi catholique telle qu'elle est enseignée dans les séminaires la présence personnelle du diable, ils n'y croient plus. J'estime que 99% des Evêques ne croient plus à l'action extraordinaire du démon. Il suffit de voir le nouveau rituel exorciste préparé par le Saint Siège : il a été fait par des personnes complètement incompétentes, et qui ont peur des exorcismes. "S'il n'y a pas la certitude de la présence de satan, on ne fait pas d'exorcisme", dit le nouveau rituel. Mais c'est absurde : satan se cache, il se camoufle de toutes les manières. L'ancien rituel romain enseignait la prudence, pour ne pas confondre des maux psychiques avec des infestations diaboliques, mais il enseignait aussi les trucs que le démon utilise pour camoufler sa présence. Je dirais plus : le nouveau rituel interdit de faire des exorcismes en cas de maléfices : mais les cas de maléfices représentent 90% de tous les cas d'infestation diabolique. Selon le nouveau rituel, donc, il ne faudrait jamais pratiquer d'exorcismes ! Incroyables sont ces réformes liturgiques qui partent de la présupposition que l'Eglise s'est fourvoyée durant des siècles. Oui, satan est partout. Et il peut œuvrer à sa guise car ceux qui le gênent le moins, ce sont les prêtres !