• L'HISTOIRE DES RAPPORTS ENTRE MEDJUGORJE ET L’'EGLISE

    Article posté sur Pèlerin-info en 2004
        
    Il existe au moins un point commun entre les apparitions de la Vierge à Medjugorje (en Bosnie Herzégovine) et le film de Mel Gibson "La Passion du Christ" : aucun de ces deux événements n'a laissé le monde catholique indifférent.
    Critiqués par certains et adulés par d'autres, tous les deux ont suscité (et suscitent encore aujourd'hui !) de vifs débats dans l'Eglise.
        
    Il est vrai que le cas de Medjugorje peut paraître particulièrement déroutant pour de nombreux fidèles : CONDAMNEES par les deux évêques successifs de Mostar (le diocèse dont dépend le village de Medjugorje), ces apparitions de la "Gospa" (la "Dame", en croate) sont aussi TOLEREES par l'Eglise universelle qui, aujourd'hui encore, autorise les pèlerinages privés (et non pas diocésains) avant de se prononcer définitivement.
    D'ailleurs, beaucoup d'évêques et de cardinaux s'y sont déjà rendus.
    En 1998, Medjugorje était même devenu le 3e lieu de pèlerinage marial mondial (source : "La Prière à Medjugorje", de Cyrille Auboyneau, aux éditions FX de Guibert).
        
    Alors, que faut-il penser de cela ? Comment en est-on arrivé à une situation aussi complexe ? Est-ce Rome qui tarde à réagir ? Sont-ce les évêques de Mostar qui condamnent trop vite ? 
    Si vous le voulez bien, relisons rapidement l'histoire des rapports qui unissent Medjugorje et l'Eglise depuis plus de 23 ans.
    Et pour cela, procédons en huit points.
        
    1-LES FAITS
        
    Le 24 juin 1981, des adolescents affirment avoir vu la Vierge sur une colline portant le nom de mont Podbrdo (prononcez : "Pod-Bordeaux"), et jouxtant le village de Medjugorje.
    Paralysés par l'émotion, les jeunes gens ont préféré s'enfuir à toutes jambes.
    Le lendemain, ils sont revenus au même endroit et, là, la Vierge les attendait comme la veille. Ils ont pu alors lui parler pour la première fois... et trois d'entre eux ont toujours des apparitions quotidiennes à l'heure actuelle.
    Ces adolescents (dont un était en fait encore un enfant) étaient au nombre de 6 : Jakov (10 ans), Ivanka (15 ans), Ivan (16 ans), Marija (16 ans), Mirjana (16 ans), et Vicka (17 ans).
        
    2-L'OUVERTURE DE L'EVEQUE DU LIEU
        
    Très vite, l'évêque du lieu, monseigneur Zanic (prononcez : "Zanitch"), a pris position en faveur de ces événements.
    Le 25 juillet 1981, en effet, dans un sermon prononcé à l'Eglise Saint Jacques (l'église du village de Medjugorje), il a dit ceci : "(...) Je suis profondément convaincu que pas un seul des enfants qui dit avoir vu la Vierge n'a été forcé à le faire (...). Je suis également convaincu que pas un seul ne ment".
    Il a même exprimé son point de vue de manière encore plus officielle dans le journal "Glas Concila" du 16 août 1981 : "Tout porte à croire, a-t-il écrit, que les enfants ne mentent pas".
        
    3-LA FERMETURE DE L'EVEQUE DU LIEU
        
    Vers la fin de l'année 84, cependant, monseigneur Zanic a commencé à publier des jugements très négatifs sur les apparitions de Medjugorje, et ceci malgré l'avis du Vatican qui lui demandait alors "de suspendre ses déclarations personnelles et de renoncer à prononcer un jugement jusqu'à ce que tous les éléments puissent être rassemblés" (cf. la note du secrétaire d'état au Vatican n°150.458 du 1er avril 1985).
        
    4-LES RAISONS DE LA FERMETURE DE L'EVEQUE DU LIEU
        
    Dans un livre intitulé "Rencontres avec le père Jozo" (aux éditions Sakramento), le père Jozo Zovko (qui était le prêtre responsable de la paroisse de Medjugorje au moment des premières apparitions) dit que monseigneur Zanic a subi de très fortes pressions de la part du gouvernement communistes de l'époque.
    Il affirme que les autorités civiles ont menacé de mettre l'évêque en prison si ce dernier soutenait Medjugorje (c'est l'évêque lui-même qui lui aurait avoué cela au cours d'une rencontre privée).
    Et, d'après lui, c'est ce qui explique ce revirement subit.
    Il faut dire que les communistes (qui, comme nous le savons, ne croient pas en l'existence de Dieu) étaient farouchement opposés à ces apparitions. Ils les tenaient pour une tentative de renversement du pouvoir, et quiconque soutenait les voyants pouvait se retrouver privé de travail et d'allocations logement.
        
    5-LE VATICAN REJETTE LES CONCLUSIONS DE L'EVEQUE DU LIEU
        
    En 1987, le cardinal Ratzinger (qui est le président de la congrégation pour la doctrine de la foi, à Rome) n'a pas accepté les conclusions négatives de l'évêque de Mostar (c'est à dire que Rome n'a pas "entériné" la décision de Mgr Zanic, et n'a pas appelé les fidèles à ne plus se rendre à Medjugorje).
    Par contre, ce qui s'est passé, c'est que le dossier a été confié à la conférence épiscopale des évêques de Yougoslavie (chose rarissime dans l'Eglise !) qui, elle, a décidé de nommer une commission d'enquête pour en savoir plus sur ces apparitions.
        
    6-LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
        
    Les premières conclusions de la commission ont été rendues public le 10 avril 1991 dans un texte connu sous le nom de "déclaration de Zadar" (du nom de la ville où s'étaient réunis les évêques).
    Les défenseurs de Medjugorje disent souvent que ce texte est une sorte de "compromis" dans le sens où les évêques sont parvenus à respecter l'hostilité de Mgr zanic (et ceci en disant qu'il ne leur était pas encore possible de certifier que les apparitions étaient surnaturelles) tout en autorisant la venue des pèlerins du monde entier (et ceci en donnant des directives liturgiques et pastorales pour veiller à la bonne évolution de Medjugorje).
    En 1993, le cardinal Kuharic (qui est membre de la commission) a déclaré : "Nous, les évêques, après trois années d'étude de la commission, nous avons déclaré Medjugorje lieu de prière et sanctuaire marial. Cela signifie que nous ne sommes pas opposés à ce que l'on vienne à Medjugorje pour y vénérer la Mère de Dieu, en conformité avec l'enseignement et la foi de toute l'Eglise" (cf. : Glas Concila d'août 1993).
        
    7-LA "FERMETURE" DU SECOND EVEQUE DU LIEU
        
    En 1993, Mgr Zanic, atteint par la limite d'âge, a été remplacé par Mgr Ratko Peric qui, lui aussi, s'est prononcé contre ces apparitions.
        
    En ce qui concerne les raisons pouvant expliquer la fermeture de ce second évêque, les défenseurs de Medjugorje donnent généralement les explications suivantes :
        
    a)-Il est possible, disent-ils tout d'abord, que le pouvoir communiste ait exercé des pressions sur Mgr Peric également, car il ne faut pas oublier que le communisme s'est effondré seulement en 1995 en ex-Yougoslavie (soit deux ans après sa nomination, à la fin de la guerre).
    b)-Ensuite, il est clair qu'il y a un vieux (un très vieux !) problème entre les franciscains de Medjugorje (qui s'occupent de la paroisse depuis bien avant sa création en 1892) et les évêques successifs de Mostar.
    La population locale, en effet, est très attachée aux franciscains et refuse les prêtres diocésains.
    Cela, comme nous l'imaginons fort bien, crée parfois de vives tensions entre Medjugorje et Mostar.
    Déjà, le 27 mars 1993, le Haut Tribunal du Saint Siège avait du blanchir deux franciscains condamnés par Mgr Zanic, jugeant leur expulsion et leur réduction à l'état laïc injustes et illégales (se reporter ici au journal "Mir i Dobro" n°2, 1993).
    c)-Enfin, les défenseurs de Medjugorje soulignent aussi une chose importante :
    Dans son argumentation "contre" Medjugorje, Mgr Peric affirme toujours que la déclaration de Zadar NIE la caractère surnaturel des apparitions (Constat de "non-supernaturalitate") alors que, d'après eux, cette déclaration dit simplement qu'il N'EST PAS ENCORE possible de certifier que les apparitions sont surnaturelles ("Non-constat" de supernaturalitate).
    Il y a donc là une rude "bataille" au niveau de l'interprétation des TERMES employés par la commission.
        
    Mgr Franco Perko, l'archevêque de Belgrade, a d'ailleurs jugé bon d'apporter la précision suivante, après la publication de la déclaration de Zadar : "Il n'est pas vrai que d'après ce document il s'ensuit que rien de surnaturel ne se passe à Medjugorje. Les évêques ont écrit "non-constat de supernaturalitate" : le surnaturel n'est pas établi; et non pas "constat de non-supernaturalitate" : il est établi qu'il n'y a rien de surnaturel. Cela est très différent. La première formulation n'autorise pas une interprétation définitive. Elle est ouverte à des développements ultérieurs."
        
    8-LA POSITION DU VATICAN
        
    Suite à tous ces malentendus, le Vatican a réagi le 21 août 1996 par la bouche du docteur Joachim Navarro-Valls (le porte-parole du Saint Père).
    Dans un reportage du Service d'Information catholique, le docteur Navarro-Valls a dit ceci :
    "Le Vatican n'a jamais dit aux catholiques : "Vous ne pouvez aller à Medjugorje". Aux évêques, il dit au contraire : "Vos paroisses et vos diocèses ne peuvent organiser des pèlerinages officiels", mais on ne peut pas dire aux gens n'y allez pas tant qu'il n'est pas prouvé que les apparitions sont fausses : ce qui n'a jamais été déclaré, donc chacun peut y aller (...). L'Eglise et le Vatican auraient-ils dit non à Medjugorje ? Non, non !"
        
    Enfin, ceux qui défendent Medjugorje disent aussi que le pape ne s'oppose pas à ce que les pèlerins aillent dans ce lieu.
    Certains sites internet regorgent même de "petites phrases" encourageantes qu'il a prononcé ici ou là, au sujet de Medjugorje.
    En 1989, par exemple, il a dit à la voyante Mirjana, lors d'un entretien privé : "Si je n'étais pas pape, je serais déjà à Medjugorje."
        
    Voilà où nous en sommes actuellement.
    Il appartient désormais à la commission d'enquête de rouvrir le dossier et d'apporter de nouveaux éléments à la déclaration de Zadar.