• UN VENDREDI SAINT PAS TRISTE DU TOUT !

    Un ciel gris. Un temps maussade. Une pluie qui n'en finit pas de tomber sur la plaine.
        
    Seul élément un peu "original" dans ce décors terriblement plat et déprimant : une colline, entourée par une petite ville, surplombe la campagne en deuil.
    Au sommet de cette colline, il y a trois croix "grandeur nature" qui rappellent aux habitants du lieu à quel point Jésus a souffert pour sauver les hommes, sur le calvaire.
    Puis, s'élevant bien au-dessus des croix, et surgissant d'une maison située au pied de la colline, il y a l'émetteur d'une station de radio locale.
        
    Légèrement en aval de la maison qui abrite la station, on peut voir plusieurs longs bâtiments avec des toits recouverts de tuiles rouge.
    Jadis, c'était la propriété des comtes de la région.
    Aujourd'hui, c'est devenu le collège privé de la ville.
        
    Nous sommes un Vendredi Saint, en début de matinée.
    Les enfants de sixième qui vont à l'aumônerie ont été rassemblés par leurs animateurs dans la grande salle vidéo de l'établissement, à l'avant du complexe.
        
    La rencontre est importante car le Vendredi Saint est le jour où l'on fait mémoire de la crucifixion de Jésus.
    Pour marquer cet événement, les catéchistes ont invité chaque enfant à écrire une souffrance sur un petit morceau de papier, et à venir épingler ce dernier sur une grande croix en bois, chacun à son tour.
    Le but de l'opération est simple : montrer aux jeunes que Jésus a pris sur lui toutes nos difficultés et tous nos problèmes afin de nous aider à porter nos croix avec plus de facilité et de courage.
        
    Comme les enfants sont assez nombreux, la responsable de la catéchèse a branché la sono et a présenté le "temps fort" au micro.
        
    La rencontre est donc lancée.
    La procession se déroule en silence. On n'entend pas un bruit... si ce n'est celui de la pluie qui bat inlassablement contre les vitres salies.
    Les visages sont graves. Parfois même un peu angoissés. On se regarde. Il semblerait que l'on cherche désespérément un signe de joie en cette fin de semaine douloureuse et pluvieuse.
    Certains jeunes échappent leur papier par terre. Des catéchistes s'avancent alors vers eux et les aident à les ramasser et à les épingler correctement sur la croix.
        
    Soudain, tandis que l'austère défilé poursuit ainsi son mouvement, une "interférence" avec la radio locale vient faire grésiller les enceintes de la sono (il faut dire que cela arrive très souvent, avec la proximité de l'émetteur !).
    Après quelques "craaaac", "criiiiiic", crouuiiiic... on finit par entendre très distinctement le programme musical de la station.
    Une voix qui n'est pas inconnue chante une chanson qui ne l'est pas moins. Les paroles disent ceci :
    "Les gens qui voient de travers
    Pensent que les bancs verts
    Qu'on voit sur les trottoirs
    Sont faits pour les impotents ou les ventripotents.
    Mais c'est une absurdité,
    Car, à la vérité,
    Ils sont là, c'est notoir',
    Pour accueillir quelques temps les amours débutant's".
        
    D'un coup, les regards s'illuminent.
    Oui, la joie jaillit sur tous les visages... y compris ceux des animateurs !
    Ce n'est pas une joie "moqueuse" et "irrespectueuse" envers la religion ou envers Jésus ! Pas du tout !!
    Il s'agit simplement d'une joie "d'enfant". La joie de ceux qui, où qu'ils soient, savent apprécier les petits "clins d'oeil" que le Ciel leur fait pour rendre leur marche vers Pâques moins pénible.
        
    Dès lors, la gaieté s'installe dans la salle. On la sent. On la voit. Elle est tangible.
    C'est fantastique : le groupe tout entier en est transformé !! C'est comme si la résurrection était déjà là !!!
        
    Peu à peu, on entend même certains jeunes reprendre en choeur le refrain de la chanson, à voix basse pour ne pas gêner le "temps fort", et ceci avec la sono :
    "Les amoureux qui s'bécot'nt sur les bancs publics,
    Bancs publics, bancs publics,
    En s'disant des je t'aim' pathétiques,
    Ont des p'tit's gueul's bien sympathiques !"
        
    Comme quoi, vous voyez, Dieu fait feu de tout bois !
    Il peut très bien, s'Il le souhaite, se servir du talent des artistes connus (comme celui de Georges Brassens, par exemple) pour redonner le sourire à Son Eglise dans les moments difficiles !!
        
    Bravo à Lui pour son extraordinaire sens de humour !!!